Y a-t-il une limite à ne pas franchir quand on est amateur de films porno ? La sexologue Milène Leroy nous explique tout.

UN DANGER RÉEL ?

La pornographie sur Internet se définit comme une représentation cinématographique de détails obscènes. Rien de plus simple aujourd’hui que d’y accèder. De l’activité occasionnelle à l’addiction, où est la limite ?

Pathologie ? “Normalité” ? Mise en danger du couple ? Habitudes nocives pour l’épanouissement sexuel ? Infidélité ? Trahison ? De nombreuses questions, souvent dépréciatives, nourrissent les esprits de craintes parfois trop dramatisées.

Même si on ne peut ignorer l’image déplorable qu’on octroie aux femmes dans ces films et l’anxiété de performance que les vidéos génèrent de par les normes et pratiques exacerbées (voire parfois “chirurgicales”), le porno n’encourage pas systématiquement l’agressivité sexuelle. Il est plutôt un exutoire, un moyen d’assouvir un fantasme impossible à réaliser ni même parfois envisagé dans la réalité.

Une majorité d’hommes et de plus en plus de femmes (Depuis quelques années, des films pornographiques spécifiquement étudiés pour les femmes sont réalisés) ont régulièrement accès à des films pour s’exciter (seul(e) ou à deux). Si l’excès se produit, l’impact se ressent sur le fonctionnement sexuel des individus (et du couple) : un manque d’imaginaire, une croyance quant aux pulsions féminines, des idées reçues quant à l’anatomie… Bref, les films X ne sont pas des documentaires sur l’éducation sexuelle.

A QUEL STADE LA LIMITE EST FRANCHIE ?

Le porno vise l’excitation génitale. De manière stéréotypée, -contrairement à l’érotisme qui sensualise un coït-, il représente un univers ritualisé, linéaire et parfois sans saveur. Les images vues ne correspondent pas à une relation sexuelle réelle et ne sont finalement pas aussi intenses qu’un partage manifeste.

L’internaute habitué à des stimulations visuelles et corporelles fortes a généralement une masturbation dite de « décharge » qui le conduit à vivre les mêmes sensations lors d’un rapport sexuel. C’est dans une tension physique importante, un rythme rapide, une recherche de pression forte lors d’une pénétration ou encore des appuis au niveau clitoridien, que sa sexualité se dessine. Dans ce cadre assez restrictif, l’éjaculation sera plus précoce et le lâcher-prise plus complexe. En conséquence, l’homme a souvent le sentiment de ne pas être à la hauteur, la femme a la sensation de ne pas être désirée et désirable ou ne pas savoir jouir. Une inadéquation sexuelle entre les partenaires prend alors forme.

De manière personnelle, le besoin ou la compulsivité sont les conséquences d’une importante difficulté à gérer les tensions de la vie quotidienne qu’elles soient affectives, sociales, professionnelles… Voici ce qui doit vous alerter et vous amener à consulter un sexologue pour sortir de ce cercle vicieux :

  • Quand la confusion existe entre la fiction et la réalité (partenaire vu comme un objet, exigence face à des pratiques “hors-normes”…)
  • Lorsque la visualisation d’un film devient traumatisante.
  • Si la dépendance sexuelle voire affective est ressentie face au virtuel (des heures passées devant l’écran, une envie qui en dépasse toute autre…)
  • La complicité devant un porno, pourquoi pas ? Mais si l’un des deux ressent une pression, le consentement n’est pas réel.
  • Si la masturbation n’est que décharge et que le plaisir n’existe plus ou peu.
  • Quand l’évitement des rapports sexuels est présent.

LES BONUS

Lorsque cette dimension oppressante n’est pas vécue, il faut reconnaître que la pornographie possède certains atouts :

  • Une consommation occasionnelle en solo peut être stimulante.
  • Certaines images peuvent contribuer à enrichir la vie sexuelle des hommes et des femmes en leur faisant découvrir des pratiques, des positions, des idées de mise en scène, de lieux à tester…

RETROUVER UNE SEXUALITÉ ÉPANOUISSANTE

Lorsque l’évaluation de cet auto-érotisme associe un temps trop long sur le web à un sentiment de ne pouvoir s’en passer, l’analyse permet d’identifier les différents stades qui amènent jusqu’au passage à l’acte. Ils sont souvent détachés d’une envie pure de sexe en ce qui concerne les premiers paliers de cette montée psychique et physique.

On retrouve régulièrement des angoisses, de la frustration, de la solitude, des charges émotionnelles exacerbées, une communication laborieuse… ressenties au sein du couple. Vivre à nouveau une communion agréable, c’est redonner du sens au partage intime en étant attentif à la séduction, à l’affection puis aux caresses variées. Mais chaque couple a besoin d’un soutien spécifique afin d’élaborer de manière unique les bases d’un retour à la passion.