La parole se libère peu à peu autour des pratiques bdsm, notamment grâce à 50 Nuances de Grey. Mais quel plaisir retire-t-on du bondage? Et est-ce dangereux? Eclairage d’experts et témoignages d’adeptes.

En quoi consiste le bondage?

Le bondage est une pratique sadomasochiste mettant en jeu au moins deux partenaires, l’un attachant l’autre à l’aide de liens, dans le cadre d’une relation érotique ou sexuelle. On distingue aujourd’hui deux grands courants: le bondage dit américain ou anglo-saxon à l’aide de liens (rubans ou foulards), et le shibari, art japonais d’attachement par les cordes. Mais cela ne s’arrête pas là: chaînes, muselières, corsets, menottes, chevillères, combinaisons serrées en latex, minerves, scotch, camisoles, sacs d’enfermement entrent également dans la définition.

Cette pratique peut-être plus ou moins poussée, du plus soft avec les menottes au plus extrême avec par exemple un vacuum bed, enveloppe de latex dont on aspire tout l’air, la personne à l’intérieur respirant à l’aide d’une paille.

Le shibari, pratique sexuelle sadomasochiste

Loin d’être une lubie récente, le bondage date de plusieurs centaines d’années. Si des représentations de noeuds et de cordes ont été retrouvées sur des poteries japonaises dès l’antiquité, le shibari trouve son origine au XVe siècle. Au départ technique de torture pour immobiliser et faire souffrir les ennemis, cet art s’est peu à peu mué en pratique sexuelle sadomasochiste, des états d’extase dus à la compression de certaines artères et au manque d’oxygène ayant été observés. Le but n’est plus la souffrance, mais la quête de jouissance.

Magali Croset-Calisto, sexologue clinicienne, auteure de SeXo: petit guide de sexologie et des pratiques sexuelles d’aujourd’hui (Ed. Maxima, 2014), éclaire plus précisément notre lanterne quant au plaisir retiré du bondage : “Le plaisir du dominant est celui de l’autorité, de l’objectivation d’autrui et de l’art du ligotage ; le plaisir du dominé est celui de la soumission.” Ce dernier peut alors espérer que l’autre lui fasse ce qu’il n’ose pas lui demander en temps normal, avec la possibilité de reprendre le pouvoir à tout moment grâce à un signal ou un mot de sécurité, le safeword.

Le bondage, banalisé grâce à 50 Nuances de Grey

Certains peuvent penser qu’ils n’ont pas besoin de cette mise en scène pour jouir, d’autres encore qu’ils n’ont pas envie d’être dominés. En réalité, il se pourrait qu’ils soient parfois beaucoup plus proches de ce type de relations sans même y avoir pensé: “Qui n’a jamais entravé (ou s’est fait entraver) les poignets de son partenaire lors d’une relation sexuelle?”, interroge Stéphanie Dias, directrice générale du site Au Moulin Rose. Si vous avez hoché la tête, vous savez que cela n’a rien de bien malsain. Le bondage non plus: 76% des gens interrogés lors d’un sondage LELO, site de vente d’accessoires intimes, se sont essayé au bondage au moins une fois. 90% des répondants estiment que le BDSM fait partie intégrante d’une vie sexuelle saine et normale.

Par ailleurs, le phénomène 50 Nuances de Grey ne serait pas étranger à cette relative banalisation. Selon Milène Leroy, sexologue et sexothérapeute, “Cela a permis une libération de la parole et une dédramatisation de la pratique.” Steve Thomson, directeur marketing de LELO, ajoute : “Cela a donné aux gens l’assurance que le BDSM était une pratique parfaitement acceptée et une fantaisie saine.”

Un jeu dont la finalité n’est pas forcément le coït

La pratique du bondage peut être utilisée comme un préliminaire à l’amour, un jeu excitant qui fait monter la température jusqu’à l’acte sexuel…Lequel n’est pas forcément une pénétration. Amaury Grisel, photographe de profession, ligoteur dans le cadre de performances de shibari, est sensible à l’érotisme des cordes: “C’est sensuel de caresser quelqu’un avec des cordes sans le toucher. Celles-ci transmettent des énergies et des vibrations. On peut faire jouir quelqu’un à distance d’un mètre en faisant vibrer la corde!”

Sans compter les effets sur tout le corps, l’exploration de nouvelles zones érogènes: “Grâce au bondage, des gens ont découvert qu’ils n’étaient pas qu’un sexe, que tout leur corps pouvait réagir”, nous dit Camille Emmanuelle, journaliste spécialisée dans la culture érotique et les sexualités et auteure de Paris, couche-toi là (Ed. Parigramme, 2014).

“De la contrainte du corps naît la liberté de l’esprit”

En outre, le bondage peut occasionner un plaisir mental avant même le plaisir physique/génital. Magali Croset-Calisto le souligne bien: “En étant attaché, le ‘dominé’ n’a plus à jouer de rôle, ni à prendre des décisions pour assumer une action. Son état de contrainte ouvre un cadre propice au lâcher-prise car le bondage provoque des sensations corporelles autant qu’il contribue à la stimulation de l’imaginaire. De la contrainte du corps naît la liberté de l’esprit. On pourrait dire que le bondage relève d’une ‘expérience intérieure’, pour reprendre une célèbre formule de Georges Bataille.”

Ce que confirment Télémaque: “Les contraintes physiques -cordes, sangles, menottes…- vont concrétiser l’abandon. Il ne dépend plus de nous de bouger, faire, participer activement, les liens nous empêchent tout mouvement et donc toute initiative. C’est un moment rare où l’on peut vraiment s’abandonner”; Julie: “Dans ces situations, je suis soumise, ce qui est l’inverse dans la vie. Cela me permet d’arrêter de penser et de me poser des questions. Quand je suis immobilisée, je ne peux rien faire, je suis donc obligée de lâcher prise”; et enfin Misungui Bordelle, performeuse et modèle: “On est dans une espèce de transe quoi qu’il arrive. Dans la vie je suis un peu control freak, j’aime bien maîtriser. M’en remettre à quelqu’un m’apaise. J’aime me faire attacher après une dure semaine, ça me détend, c’est comme un antidépresseur.”

La sexologue Magali Croset-Calisto poursuit: les conséquences biologiques du lâcher-prise entraînent la sécrétion d’hormones telles que les ocytocines, les endorphines, la dopamine, qui procurent une sensation de bien-être et de relaxation intense.”

Une pratique qui demande un minimum d’apprentissage

Une pratique poussée du bondage demande une certaine technique. La prudence est de mise car des cordes ou liens mal placés peuvent occasionner des lésions irréversibles, écorcher, voire étouffer. Mal attaché, le ligoté peut souffrir d’inconfort, de crampes. Il existe des cas de séances de bondage qui ont mal tourné, jusqu’à parfois entraîner le décès.

Pour ceux qui sont tentés, mieux vaut apprendre dans un premier temps des noeuds simples, faciles et rapides à défaire, des positions praticables et sûres. On peut trouver des schémas et des tutos sur internet mais, selon Misungui, le plus sûr est de faire son apprentissage auprès des personnes expérimentées.

Un lieu pour apprendre: la Place des Cordes, un endroit ou officient des passionnés comme Amaury Grisel. On peut aussi fréquenter des forums (comme jeuxdeliens.fr) si on a des questions, la “communauté” est là, essentiellement constituée de personnes bienveillantes qui n’hésitent pas à expliquer leur pratique ou pourquoi elles s’y adonnent.

Misungui met également en garde contre l’inconnu: “Ne jamais se faire attacher par quelqu’un qu’on ne connaît pas, ou qui n’est pas sobre, ou qui ne nous a pas été chaudement recommandé. Une preuve de son niveau technique est préférable!” Vous l’aurez compris: une relation de confiance est indispensable à ce genre de pratiques.

Le safeword, indispensable code de sécurité

En situation, on n’oublie pas le safeword (ou un autre signal si la bouche est entravée) pour stopper une séance si nécessaire. Ce mot de sécurité garantit le pacte dominant/dominé et doit être respecté avec le plus grand sérieux. Misungui ne l’utilise pas systématiquement, mais s’assure d’avoir une pré-discussion avec son partenaire et n’hésite pas à s’exprimer quand c’est trop. Finalement, c’est comme lorsque l’on fait l’amour, il suffit de dire “Stop, ça me fait mal” pour que l’autre s’arrête.

Pour ceux qui veulent démarrer en douceur, un conseil de Miguel Rubio, responsable de la boutique Demonia à Paris XIe: “Les menottes en métal font mal! Utilisez des menottes en cuir. C’est plus confortable et on peut rester attaché plus longtemps.” Autre astuce: le bondage tape, un scotch qui n’adhère que sur lui-même.

Tout cela vous a donné envie de jouer à Anastasia Steele et Christian Grey? 1) Vos envies n’ont rien de honteux, vous êtes juste un explorateur en quête de sensations. 2) Soyez vigilant! Et comme dans toute pratique, connaissez vos limites et n’ayez pas peur de dire non.

 

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